15 mars 2024

Salammbô

Depuis quelques années, j'essaie de donner une deuxième (voire une troisième) chance à des écrivains que je n'avais pas appréciés «dans mon jeune temps»...  Parfois, cela ne fait que confirmer ma première impression (coucou Mme Sand, M. Dosto) mais souvent ce sont de belles surprises: Maupassant, Camus...

J'ai donc tenté de nouveau l'expérience avec Gustave Flaubert, dont le roman Mme Bovary, lu quand j'étais dans la vingtaine, m'avait semblé soporifique au plus haut point.  J'ai vu passer ce titre intrigant, Salammbô, ici et là sur les forums et les blogues, et j'ai donc jeté mon dévolu sur ce livre, sans toutefois relire le résumé...

Première surprise, donc: on se retrouve dans l'Antiquité, à Carthage!  Et l'ambiance est d'entrée de jeu complètement différente de la tranquille province de la pauvre Emma B.  Guerres, chevauchées, tortures, famines, sentiments exacerbés, j'ai cru me retrouver dans un tableau d'Eugène Delacroix! 

J'ai adoré les deux premiers tiers du roman (à part quelques scènes de violence envers des animaux, snif snif!).  Les personnages sont originaux et surtout les descriptions sont absolument formidables!  On est transporté dans cette ville antique, dans un palais magnifique aux multiples chambres secrètes bourrées de trésors, dans des temples mystérieux dédiés à des dieux exotiques et barbares...  (En passant, si vous avez une édition comportant en annexe le chapitre explicatif retiré par Flaubert et publié de façon posthume, lisez-le en premier; il permet de bien mieux comprendre les enjeux politiques et religieux ainsi que la géographie de la ville.)

Malheureusement, les derniers chapitres sont si violents et sordides qu'ils m'ont semblé un peu pénibles même si l'histoire reste intéressante malgré tout.  Disons que Gustave aurait pu mettre moins de complaisance dans la description des scènes de guerre, de torture, de cadavres qui boursouflent au soleil, etc.

Malgré ce bémol, je vais quand même garder un bon souvenir de ce roman et je peux donc affirmer: expérience réussie!


Salammbô de Gustave Flaubert, 1862, 608 p.

02 mars 2024

Le Problème à trois corps

 Trilogie des trois corps, tome 1 


Quel excellent premier tome!  De la science-fiction chinoise, ça fait changement!

Durant la Révolution culturelle, une jeune scientifique est accusée de trahison, et sa seule chance d'éviter la prison est d'aller travailler dans une mystérieuse base militaire.  Je ne vous dis rien de la suite, car tout l'intérêt de l'histoire réside justement dans les divers rebondissements inattendus de l'intrigue!  D'ailleurs, ne lisez pas les quatrièmes de couverture des différentes éditions, plusieurs sont divulgâcheuses comme c'est pas permis!!!

Il s'agit de Hard SF, un sous-genre de la science-fiction avec lequel je ne suis pas familière...  Dans ces œuvres, les informations scientifiques sont abondantes et je craignais d'être dépassée!  S'il y a bien quelques passages où je n'ai pas tout compris (la mécanique quantique et moi, on n'est pas copain-copain), ce n'est pas grave du tout, car cela n'empêche pas de suivre l'intrigue.

Un petit avertissement: ce n'est pas le genre de bouquin où l'on s'attache beaucoup aux personnages.  Tout cela reste très intellectuel et froid, et pourtant c'est passionnant.  Il me semble toutefois que quelques détails restent en suspens, mais peut-être qu'on aura plus d'informations dans le tome suivant!


Le Problème à trois corps (Trilogie des trois corps, tome 1) de Liu Cixin, traduit du chinois, 2016, 424 p.  Titre de la version originale: San Ti (2008).
Note: en chinois, le nom de famille vient en premier; cet auteur doit donc être classé dans les L!


17 février 2024

Kindred (Liens de sang)

Le début de ce roman m'a fait craindre une autre déception envers un livre du club de lecture Livraddict (les deux sélections précédentes, Freshwater de Akwaeke Emezi et Le Soleil des rebelles de Luca Di Fulvio, m'ayant laissé un avis mitigé).  

La prémisse me semblait un peu artificielle: chaque fois que son ancêtre, le fils d'un propriétaire de plantation du Maryland (un blanc esclavagiste, donc), se trouve en danger, une jeune femme noire du XXe siècle est transportée au XIXe siècle et contrainte de sauver la vie du jeune garçon sous peine de voir sa lignée (et donc elle-même!) disparaître.  C'est l'occasion, bien sûr, de confronter les valeurs, les mœurs et les conditions de vie des deux époques; c'est intéressant, mais pour une raison que j'ignore, je n'accrochais pas plus que cela à cette histoire.

C'est à mesure que les personnages sont mieux développés que je me suis sentie de plus en plus intéressée.  Les relations entre ceux-ci, tant les deux personnages principaux que tous les autres qui gravitent autour d'eux, blancs et esclaves noirs, sont vraiment bien décrites: pouvoir, amour malsain, jalousie, haine, etc.  Dans un environnement aussi glauque, impossible d'avoir des relations saines, que ce soit entre Noirs ou entre Blancs/Noirs.

Tout petit bémol: je me doutais bien qu'il n'y aurait pas d'explication rationnelle à ces voyages dans le temps, mais j'aurais aimé qu'on nous donne une raison pour le fait que ce soit cette jeune femme, plutôt que n'importe quel autre descendant, qui se trouve appelée à la rescousse.  Je reste sur ma faim sur ce petit point précis, mais ce n'est pas grave.  Après un départ un peu difficile, je ressors très satisfaite de cette lecture et j'ai très hâte de connaître l'avis des autres membres du club!


Kindred de Octavia E. Butler, 1979, 264 pages.  Titre de la traduction française: Liens de sang.

15 février 2024

Corsaires du Levant

Le Capitaine Alatriste, tome 6

Je savais que ce bon vieux APR serait un bon choix pour me sortir de cette suite de trois lectures décevantes d'affilée!  Enfin un roman que j'ai apprécié de A à Z.

Dans ce tome, Alatriste et Inigo se sont engagés comme soldats sur une galère dont l'équipage, sous couvert d'escorter les navires marchands espagnols, a pour principale activité de pourchasser les Maures pour leur taper dessus, leur dérober leurs trésors et vendre les survivants comme esclaves.

C'est avec grand plaisir, vous l'aurez compris, que j'ai retrouvé la plume enlevée et enlevante de Pérez-Reverte.  J'ai beau être une pacifiste dans la vie, je n'ai pu m'empêcher de vibrer durant ces combats épiques, devant ces morceaux de bravoure et ces exemples de loyauté (bien que, dans ce tome, il y un peu de bisbille entre les deux personnages principaux!).  Et je ne suis pas assez calée en histoire espagnole pour juger si la reconstitution est exacte, mais en tous cas elle est très crédible, tout semble minutieusement documenté.  Comme c'est le cas dans toute la série, l'auteur se garde d'imposer à ses personnages les valeurs d'aujourd'hui; l'esclavage, par exemple, faisait partie des mœurs de l'époque et nos deux héros, sans l'apprécier outre mesure, s'y adonnent tout naturellement.

Seul mini bémol, il n'y a que quelques allusions aux manigances et complots de la Cour dans lesquels trempe habituellement notre duo.  J'ai l'impression qur APR a tout gardé pour le tome suivant, le dernier de la série... Ça promet!


Corsaires du Levant (Le Capitaine Alatriste, tome 6) d'Arturo Pérez-Reverte, traduit de l'espagnol, 2008, 344 p.  Titre de la version originale: Corsarios de Levante (2006).

02 février 2024

Clair de femme

Trois lectures décevantes de suite...  J'espère sortir bientôt de cette mauvaise passe! 

Encore une fois, c'est un avis en demi-teinte qui se dégage.  Il y a dans ce roman de Romain Gary de très beaux passages sur l'amour, le couple, le deuil...  Mais parfois, on saute du coq à l'âne et les dialogues en deviennent incohérents.  En fait, je me demande si le problème ne vient pas du fait qu'il y a beaucoup de dialogues et presque pas de descriptions.  On manque un peu de mise en contexte, il me semble.  D'ailleurs, je n'ai pas été surprise d'apprendre qu'une pièce de théâtre en a été tirée!

Regardez plutôt l'adaptation cinématographique réalisée par Costa-Gavras.  Il y a fort longtemps que je l'ai vue, mais j'en garde un excellent souvenir.  Avec Yves Montand et Romy Schneider dans les rôles principaux, ça pouvait difficilement être mauvais...

Dans l'échelle des Gary/Ajar: meilleur que Lady L. (que j'ai abandonné), moins bon que tous les autres que j'ai lus! 

Note: L'édition de 1982 contient quelques coquilles, dont une qui rend une phrase incompréhensible, j'espère que cela a été corrigé dans les rééditions...


Clair de femme de Romain Gary, 1977, 192 p.

01 février 2024

Le Soleil des rebelles

Hmmm!  M'aurait-on trop louangé cet auteur?  On chante ses louanges partout sur les forums et les blogues; je m'attendais donc à quelque chose d'exceptionnel!  Or, j'ai trouvé que c'était un bon roman historique, sans plus.

C'est surtout le rythme du roman qui m'a causé un problème.  Toute la première moitié m'a semblé longuette.  Ça va, on a compris que le méchant seigneur est un psychopathe, on peut arrêter avec les descriptions de tortures et de pendaisons!  On a même droit à l'information qu'il torturait des poules quand il était enfant, bonjour les clichés!  Autre bémol, j'ai trouvé que les dialogues manquaient un peu de naturel, semblant même parfois ampoulés.

Les personnages principaux sont très attachants, il faut bien le dire.  C'est ce qui m'a permis de continuer, car je voulais savoir ce qu'il allait leur arriver!  Et heureusement, à partir du milieu l'intrigue devient plus mouvementée et surtout moins répétitive.  Par contre, la fin m'a semblé peu vraisemblable.

Dans le genre grosse brique historique, je retournerai plutôt à un bon Ken Follett.  Ce qui me fait penser qu'il me reste à lire plusieurs tomes de sa série Kingsbridge


Le Soleil des rebelles de Luca Di Fulvio, traduit de l'italien en 2018, 640 p.  Titre de la version originale: Il bambino che trovò il sole di notte.

20 janvier 2024

Freshwater (Eau douce)

Moi qui ne lis jamais les quatrièmes de couverture, cette fois-ci j’aurais peut-être dû…  J’ai passé tout le long de cette lecture à essayer de comprendre ce qu’étaient ces entités qui possédaient le corps de la jeune Ada.  Ou plus précisément, je n’arrivais pas à déterminer si Asugharat était une des entités qui étaient là dès la naissance mais qui maintenant avait pu s’incarner du fait d’avoir été nommée par Ada, acquérant ainsi plus de puissance, ou bien une nouvelle entité survenue subitement.  Or, la réponse se trouvait justement dans la présentation de l’éditeur!  J’aurais donc peut-être eu plus de plaisir si j’avais lu cette dernière dès le début.  D’un autre côté, je considère que si un roman doit nous être expliqué pour qu’on le comprenne, il y a un problème!  Cela m’a rappelé l’expérience vécue durant le club de lecture sur The Sound and the Fury de William Faulkner: ceux qui avaient lu la préface au préalable avaient beaucoup plus apprécié le roman que ceux qui avaient dû attendre la dernière partie avant de commencer à y comprendre quelque chose (devinez de quelle équipe je faisais partie?).

C'est comme s'il y avait deux romans imbriqués en un seul : un sur la mythologie nigériane, épicée d'un soupçon de mythes chrétiens et d'une pincée de vaudou; l’autre, un roman sur la folie et/ou la possession par une entité donnant des symptômes ressemblant à des problèmes mentaux (anorexie, automutilation, idées suicidaires, personnalités multiples, schizophrénie, choc post-traumatique...).  Cela m'a donné l'impression que l'auteure n'avait pas réussi à se décider entre les deux concepts.

Bref, beaucoup de bonnes idées mal exploitées (ou alors c’est moi qui n’ai rien compris, ce qui est très possible!).

 

Freshwater de Akwaeke Emezi, 2018, 240 p.  Titre de la traduction française: Eau douce.