26 juillet 2015

Les Cendres d'Angela (Angela's Ashes)

Sachant que ce roman avait fait l'objet d'un film, je pensais qu'il s'agissait de l'histoire d'un père alcoolique irlandais qui tente de regagner la garde de ses enfants après la mort de sa femme.  Mais non, si cela se déroule bien en Irlande et si le père est bien alcoolique, la mère est vivante et ce n'est pas ce film-là que j'ai vu.  (Vérification faite, il s'agit plutôt d'Evelyn, avec Pierce Brosnan.)  Je m'attendais donc à quelque chose d'assez dramatique, alors qu'avec des sujets aussi terribles que la misère, la maladie, l'injustice et même la mort, Frank McCourt est arrivé à me faire pouffer de rire à plusieurs reprises, même si j'ai eu aussi la gorge nouée de nombreuses fois.  Né aux États-Unis, il a passé son enfance en Irlande et c'est ce qu'il nous raconte dans ce récit. 

Il a su garder ses yeux et sa voix d'enfant puis d'adolescent, et certaines de ses réflexions sur le monde absurde des adultes sont tout à fait impayables.  Son humour m'a assez fait penser à celui de Roddy Doyle dans The Woman Who Walked into Doors.  Peut-être cette faculté de rire de sujets sordides est-elle typiquement irlandaise?

La traduction est assez bonne, en tenant compte du fait qu'il est toujours difficile de traduire un langage populaire sans tomber dans l'argot trop typiquement parisien.  Le traducteur Daniel Bismuth s'en est plutôt bien tiré, à quelques petites exceptions près.


Les Cendres d'Angela de Frank McCourt, traduit de l'anglais, 1997, 432 p.  Titre original: Angela's Ashes.

18 juillet 2015

Fall of Giants (La Chute des géants)

J'ai tellement aimé Pillars of the Earth et sa suite World Without End que je savais bien qu'éventuellement je lirais la nouvelle trilogie de Ken Follett.  Toutefois le volume de la chose et le nombre de séries que j'ai commencées et pas encore terminées me faisaient hésiter. Puis j'ai reçu le premier tome à ma fête et il a rejoint ma PAL.  Puis j'ai attrapé la fin de la rediffusion de l'entrevue de l'écrivain britannique à l'émission télévisée 24/60.  J'ai eu la piqûre, et le livre s'est magiquement retrouvé tout en haut de la pile!

J'ai été particulièrement frappée par la définition qu'il a donnée de son style d'écriture, le comparant à une fenêtre: on regarde ce qui se passe dehors, pas la fenêtre elle-même.  C'est-à-dire que son style est si fluide qu'il en est transparent.  On ne cesse pas de lire pour l'admirer, on est tout simplement happé par l'histoire racontée.  Venant de terminer le premier tome d'À la recherche du temps perdu de Proust, et sans rien enlever à ce dernier que j'ai d'ailleurs adoré, je dois dire que j'ai trouvé cette lecture bien reposante!  On pourrait dire que Follett et Proust sont aux extrémités opposées du spectre littéraire.  Chez Proust, on s'arrête constamment de regarder par la fenêtre pour s'extasier devant les rideaux...

La force de Follett, c'est avant tout sa capacité de créer des personnages si attachants qu'on a l'impression de les connaître personnellement.  Mais il est aussi maître dans l'art d'intégrer la trame historique à son intrigue si parfaitement qu'on ne s'aperçoit pas qu'on est en train de lire une leçon d'Histoire de neuf cents pages.  On voyage avec plaisir et trépidations du fond d'une mine galloise à la Sibérie, en passant par le palace d'un lord anglais, par les bureaux de la Maison-Blanche et par les bas-fonds de St-Petersbourg, et on en redemande.  Ça tombe bien, il reste deux autres tomes.


Fall of Giants (trilogie The Century, livre 1) de Ken Follett, 2010, 922 p.  Titre de la traduction française:  La Chute des géants (trilogie Le Siècle, livre 1).

03 juillet 2015

Du côté de chez Swann

«Le meilleur roman jamais écrit, toutes cultures confondues» a décrété Denys Arcand à l'émission télévisée du Canal Savoir La Bibliothèque de...  C'est plutôt présomptueux et je n'irais pas jusque là, mais tout de même, son commentaire a éveillé chez moi un certain intérêt pour cette oeuvre immense et qui fait un peu peur.  Ce sont les billets de Karine et de Yueyin en 2014 qui m'ont donné le petit coup de pied au derrière nécessaire.  J'en ai même fait ma résolution du Nouvel An: en 2015, j'allais me lancer dans cette série!

Alors non seulement on est le 3 juillet et je peux affirmer pour une fois avoir accompli ma résolution annuelle, mais en plus j'ai vraiment adoré ce premier tome!  Alors double merci à Denys Arcand, Karine et Yueyin!

Ce premier tome se divise en trois parties.  Dans la première, le narrateur (qui est peut-être Proust lui-même, ou pas) raconte des souvenirs d'enfance reliés au village où il passait tous ses étés, Combray.  La deuxième est narrée à la troisième personne, du point de vue de Swann, un ami de la famille, (bien que le narrateur y fasse quelques incursions) et peut se lire comme un roman séparé, Un Amour de Swann, que d'ailleurs j'avais déjà lu sans en avoir gardé d'impressions marquantes (j'étais peut-être trop jeune ou c'est meilleur en faisant partie d'un tout?) et qui se déroule dans les milieux mondains parisiens.  Dans la troisième partie, très courte, on revient au narrateur et il est surtout question de voyages et de son amour d'adolescent pour la fille de Swann.

C'est sûr qu'en lisant cette oeuvre, il ne faut pas être pressé.  Les phrases sont très longues (j'ai dû souvent les relire car arrivé au bout on ne sait plus quel est le sujet du verbe!) et surtout il ne se passe pas grand-chose!  Amateurs de sensations fortes s'abstenir.  Tout est dans l'ambiance fin de siècle, dans la formidable force évocatrice des mots, dans la psychologie des personnages.  J'ai particulièrement apprécié les personnages secondaires comme les Verdurin et leurs commérages, le docteur Cottard et ses jeux de mots déplacés, et surtout la grande-tante Léonie dont la seule occupation est de surveiller par la fenêtre de sa chambre les activités de ses voisins, au point d'envoyer sa bonne enquêter dans tout le village pour savoir si Mme Unetelle est bel et bien arrivée en retard à la messe!

Et puis comme toujours lorsque je lis des auteurs français du XIXe ou du début du XXe siècle, cette langue admirable me donne le goût de mieux parler.  J'ai noté le «Je suis sans lumière à ce sujet» de la princesse des Laumes et j'ai bien l'intention de l'utiliser à la première occasion au lieu de notre horrible «ché pas» québécois.


Du côté de chez Swann (À la recherche du temps perdu, tome 1) de Marcel Proust, 1913, 503 p.