02 septembre 2012

Seul dans Berlin

Si, comme j'ai failli le faire, vous avez abandonné ce roman après soixante-quinze pages, reprenez-le, je vous en conjure!

Le début, effectivement, est assez laborieux.  Le sujet, la vie des gens du peuple à Berlin pendant la Deuxième Guerre mondiale, est intrigant, mais il y a de nombreux personnages, la plupart antipathiques, et on ne saisit pas trop où tout cela s'en va. Découragée, mais parce que ce roman avait été nommé parmi les chefs-d'oeuvre du défi Blog-o-trésors il y a quelques années, j'ai décidé d'aller fureter sur la blogosphère pour voir ce qu'on en disait.  C'est Sylvie qui m'a convaincue de continuer.

C'est lorsqu'enfin notre attention se concentre plus particulièrement sur quelques personnages que cela devient enfin intéressant, et éventuellement passionnant.  Blâmant Hitler pour la mort de leur fils à la guerre, le couple Quangel décide de s'opposer aux nazis dans la mesure de leurs moyens, en semant dans tout Berlin des cartes postales dénonçant le régime, tandis que deux mécréants, l'un par faiblesse, l'autre par cupidité, deviennent collaborateurs du commissaire de la Gestapo chargé de l'enquête sur cette affaire de cartes postales.

Certains passages glacent le sang:
«Une demi-heure d'interrogatoire chez nous, et  vous seriez étonnée de voir quel triste tas de chair hurlante est votre corps.  Cette découverte est très désagréable. Bien des gens ne se remettent jamais de cette atteinte à l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes. Et ils finissent par se pendre.»

Un extrait montrant le climat d'espionnage et de dénonciations:
«Bavarder était devenu très dangereux. Onze ouvriers, parmi lesquels deux hommes qui avaient plus de vingt ans de présence dans l'usine, avaient disparu sans laisser de traces. Jamais on n'apprenait ce qu'ils étaient devenus; c'était une preuve de plus qu'ils avaient un jour prononcé un mot de trop, qui les avait conduits dans un camp de concentration.
Souvent le contremaître se demandait si les onze nouveaux qui avaient remplacé ces onze hommes n'étaient pas autant d'espions, et si finalement une moitié de l'atelier n'était pas là pour épier l'autre, et inversement.  Dans cette atmosphère de trahison perpétuelle, les gens semblaient devenir de plus en plus indifférents à tout, comme s'ils n'avaient été rien de plus que des pièces de leurs machines.»

Troublant, émouvant, palpitant, parfois même drôle, ce roman est une oeuvre magistrale.


Seul dans Berlin de Hans Fallada, traduit de l'allemand, 1965 (écrit en 1947), 559 p.

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