31 octobre 2010

Féeries dans l'ïle

Si le titre de cette édition de 1958 représente bien l'aspect poétique des nombreux passages décrivant la merveilleuse nature de l'île de Corfou, où le botaniste Gerald Durrell a passé une partie de son enfance, le titre de la nouvelle édition, Ma famille et autres animaux, plus proche de l'original anglais, donne une meilleure idée de l'humour à la fois sarcastique et affectueux qui domine l'ensemble de ce récit.  L'auteur nous présente sa mère, sa soeur et ses deux frères aînés (dont le romancier Lawrence Durrell, dit Larry), ses tuteurs occasionnels et ses voisins comme une bande d'énergumènes, tous plus loufoques les uns que les autres.

«Nous n'emportâmes que ce que nous considérions comme le strict nécessaire.  Lorsqu'on nous fit ouvrir nos valises à la douane, leur contenu révéla de la façon la plus évidente notre caractère et nos penchants. Les bagages de Margo consistaient en en une multitude de lingeries diaphanes, trois livres sur les régimes amaigrissants et un régiment de petits flacons de lotions contre l'acné.  La valise de Leslie contenait deux pull-overs à col roulés et un pantalon, enveloppant deux revolvers, un pistolet, un livre intitulé Soyez votre propre armurier et une grande bouteille d'huile qui dégoulinait. Larry emportait deux malles de livres et un petit sac de cuir où se trouvaient ses effets.  Les bagages de Mère étaient judicieusement composés de vêtements et de divers ouvrages sur la cuisine et le jardinage. Pour moi, je n'emportais que ce que je croyais nécessaire à dissiper l'ennui d'un long voyage: quatre livres d'histoire naturelle, un filet à papillon, un chien et un pot à confiture plein de chenilles sur le point de se transformer en chrysalides.  C'est  ainsi que, bien équipés selon nos goûts, nous quittâmes les rives humides de l'Angleterre.»
Ceux qui me connaissent ne seront pas surpris, ce que j'ai aimé avant tout ce sont les descriptions des bêtes que le petit Gerry a réussi (plus ou moins) à apprivoiser:  Ulysse le hibou, les deux pies jacasseuses qui mirent à sac la chambre de Lawrence, Géronimo le gecko qui livra un combat épique contre une mante religieuse, etc.  Sans oublier les chiens, le fidèle Roger et les deux p'tits nouveaux, Widdle et Puke (Pisse et Vomi, deux noms suggérés par des grands frère à l'humour... particulier!). Ces animaux, ces insectes, ces plantes, Durrell a su retrouver son âme d'enfant pour nous les faire découvrir.  


Le billet de Keisha, celui de Cathulu.


Féeries dans l'île de Gerald Durrell, traduit de l'anglais, 1958, 314 p.  Titre de la nouvelle édition (2007): Ma famille et autres animaux.  Titre de l'original anglais (1956): My Family and Other Animals.

22 octobre 2010

Ma Vie avec ces animaux qui guérissent

Cher Monsieur Beaulieu,

Je vous présente mes excuses. Je n'ai jamais eu le goût de vous lire parce que je vous trouvais l'air un peu baveux à la télé.  Et je fais partie de ces lectrices déficientes qui se laissent influencer par la bouille d'un écrivain.  Mais voilà, pour cette fois vos animaux m'ont guérie de ce handicap, comme ils vous ont guéri de  votre alcoolisme.  Car quelqu'un qui aime autant les bêtes et sait si magnifiquement transmettre cet amour ne peut pas être un mauvais bougre.

J'ai beaucoup apprécié la pudeur avec laquelle vous racontez toutes ces péripéties, notamment certaines assez tragiques, comme la mort d'une partie de votre meute de chiens écrasée par un train.  Vous ne vous étendez pas en larmoiements, ce qui justement rend votre peine d'autant plus tangible.  Mais ce qui m'a plu par-dessus tout, ce sont ces anecdotes comiques et ces moments de grand bonheur que vous peignez avec tant de légèreté, d'une belle langue simple agrémentée de quelques québécismes du plus bel effet. Comme par exemple les facéties de Will Shakespeare le jeune bouc rescapé de la noyade le jour de sa naissance, ou encore l'adoption d'un chaton orphelin par une chienne qui eut une montée de lait spontanée!

Et même votre barbe, que je trouvais naguère un peu trop hirsute à mon goût, me plaît maintenant car je sais qu'elle a servi de couverture au petit chat qui aimait dormir dans votre cou.

                                                                                       Amicalement,

                                                                                       Une nouvelle lectrice.

P.S. En fait, j'ai un petit reproche à formuler, mais il s'adresse à l'éditeur plutôt qu'à l'écrivain...  Certaines photos (superbes par ailleurs) qui s'étendent sur deux pages voient leur centre disparaître dans la reliure, ce qui est bien dommage.


Ma vie avec ces animaux qui guérissent de Victor-Lévy Beaulieu, Éditions Trois-Pistoles, 2010, 238 p.

19 octobre 2010

A Passage to India (La Route des Indes)

 (***Attention, ce billet révèle une partie de l'intrigue!***)

Ce roman se cache dans ma Pile à Lire depuis plusieurs années, et malgré une première rencontre des plus agréable avec E.M.Forster, j'hésitais à le commencer car j'avais un souvenir assez vif du film qui en a été tiré, et en général je n'aime pas trop lire un livre quand je connais déjà toute l'histoire.  Je m'y suis enfin résolue, et grand bien m'en fit puisque finalement le bouquin est assez différent du film, ou du souvenir que j'en ai!


Dans ce dernier, en effet, l'intrigue est centrée sur l'incident dans la grotte et l'accusation de viol effectuée par une jeune anglaise contre un médecin musulman, alors que dans le roman, cet événement est plutôt un élément déclencheur, et le vrai sujet est l'amitié entre le musulman et un professeur anglais, les malentendus provoqués par leurs différences culturelles, et un portrait très critique, voire prophétique, de la société indo-britannique du début du XXe siècle.  Le tout dans une langue pas toujours facile à lire, mais fort belle et ponctuée de touches d'humour. D'ailleurs j'ai fort apprécié cette édition de Penguin classics qui comporte un glossaire des termes indiens et des notes très utiles pour comprendre tout le contexte social, religieux et politique.  Car ce qui était peut-être évident pour un Anglais de 1924 ne l'est plus nécessairement de nos jours!


L'avis de Lilly rejoint le mien, alors que Praline a moins apprécié. Quant à Canthilde, elle a aimé tout en restant insatisfaite de la résolution de l'intrigue.


A Passage to India de E.M. Forster, 1924. L'édition illustrée ici est celle de Penguin classics, 2005, 376 p. incluant de nombreux appendices.  Titre de la version française: La Route des Indes.

11 octobre 2010

The Sparrow (Le Moineau de Dieu)

(mais ne vous laissez pas décourager par le titre cucul-la-praline de la version française!)

Les premières pages m'ont vraiment déstabilisée: des Jésuites dans l'espace??? Qu'est-ce que c'est que ce truc?

Eh bien finalement, ce truc, c'est un bouquin formidable!  Au moment d'écrire ces lignes il y a déjà quelques jours que je l'ai terminé, mais j'y pense encore souvent tant il m'a fait une forte impression.

À la suite de la réception en 2019 d'une transmission radio prouvant l'existence de vie intelligente sur une planète à quatre années-lumières de la Terre, la Société des Jésuites finance une mission scientifique vers cette planète, dans la pure traditions des voyages d'exploration en Amérique au XVIe siècle.  Dès le début du roman, on sait que cette mission se terminera très mal, puisqu'un seul des membres de l'expédition sur huit reviendra sur Terre, complètement brisé physiquement et psychologiquement.

Vous l'aurez deviné, il y a des moments très tristes, et d'autres très durs.  Mais il y aussi de nombreux passages amusants, d'autres touchants, des moments de réflexions aussi.  Il est beaucoup question de l'existence de Dieu, donc si ce sujet vous horripile, ce livre n'est pas pour vous! Personnellement, peut-être justement (et paradoxalement) parce que je suis athée, les thèmes de la Foi, de la prédestination m'ont toujours intéressée.  Mais d'autres sujets sont aussi abordés, il y en a pour tous les goûts:  l'amitié entre les membres d'équipage malgré quelques frictions durant le long voyage, le cheminement antérieur de chacun, la découverte de nouvelles formes de vie, le choc des cultures et j'en passe! 

Vu le sujet, j'ai classé ce roman dans la catégorie Science-fiction, mais il pourrait certainement plaire à ceux qui ne sont généralement pas attirés par ce genre, ou à ceux qui n'y connaissent rien!


Ce livre semble absent de la blogosphère francophone, mais chez les anglos c'est un hit! C'est Bibliolatrist et surtout Raych  (qui en capture vraiment l'essence, avec sa verve habituelle!) qui m'ont donné le goût de le lire, et il a été l'objet d'une lecture commune organisée notamment par Booklady (voyez les commentaires pour les liens vers d'autres blogues).

The Sparrow de Maria Doria Russell, 1996, 408 p.  Titre de la version française: Le Moineau de Dieu.