27 septembre 2010

La Chatte

Me voilà réconciliée avec Colette!

La Naissance du jour m'avait laissée tiède, même si j'avais pu y constater la beauté de son écriture.  Mais ici, j'ai tout aimé: l'écriture (toujours superbe), la psychologie des personnages (humains et félins!) décrite tout en finesse, l'intrigue, une variante originale de l'éternel triangle amoureux!  Car le nouveau marié ne peut se séparer de sa tendre Saha, une chatte grise au tempérament câlin, et le seul élément de sa vie qu'il a vraiment choisi. Le reste, son travail, sa fiancée, leur résidence et jusqu'à leur voiture lui ont été imposés par les circonstances, parce qu'il n'a pas su ou voulu faire valoir ce qu'il désirait vraiment. 

Les mots sont si beaux qu'on a envie de les lire à haute voix.  Une chance que je ne l'ai pas fait, toutefois, car un certain passage aurait pu causer une crise cardiaque à mon Bouboule!


La Chatte de Colette, 1933, 159 p.

23 septembre 2010

The Book Thief (La Voleuse de livres)

Quel roman époustouflant!  Je crois bien qu'il vient de prendre la tête du peloton pour le titre convoité de Coup de coeur de l'année 2010 du blogue J'ai lu...!

Dire que j'ai bien failli ne jamais le lire!  J'avais lu quelques critiques très élogieuses, mais lorsque j'ai constaté qu'il était présenté par l'éditeur comme un roman jeunesse, et qu'il se trouvait dans la section «pour ados» de la bibliothèque municipale, mon intérêt s'est quelque peu dissipé! Je sais, c'est très mal de juger un livre par sa classification ou son genre! Ai-je compris la leçon, seul l'avenir nous le dira!

Toujours est-il que je ne comprends pas vraiment pourquoi ce livre est classifié ainsi.  Pour moi, littérature jeunesse entraîne soit une écriture plutôt simple, avec une intrigue linéaire, soit des thèmes attirant principalement les jeunes: premières amours, rivalités adolescentes, tensions familiales, problèmes scolaires, vampires, etc.

Or, ici c'est tout le contraire: on retrouve une écriture très imagée, souvent symbolique, une intrigue sautant d'une époque à l'autre, des flashbacks, des prémonitions, des sous-entendus qui ne seront expliqués que plusieurs chapitres plus loin...  Et quant à la thématique, elle est d'un attrait universel: la guerre, l'amour, l'amitié, la culpabilité et surtout le pouvoir des mots, pour le Bien ou le Mal.

Pour vous donner une idée de l'originalité du roman, je révèle un seul élément (qu'on apprend dès le prologue, rassurez-vous!).  Le narrateur est La Mort!  Mais une Mort plutôt rassurante, voire sympathique, dont le travail est de ramasser en douceur les âmes des mourants pour les amener là où vont les âmes. À part cela, je vous dirai que c'est l'histoire tour à tour touchante et drôle d'une petite fille qui vole des livres, en Allemagne, juste avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale.  Pour savoir pourquoi et comment cette petite fille vole des livres, vous savez quoi faire...



Quelques billets parmi tant d'autres: ceux de Clochette, Choupynette, Lilly, Clarabel (beaucoup moins enthousiaste), de Pimpi, de Karine (qui a aimé l'histoire mais pas le style), de Jessica...

The Book Thief de Markus Zusak, 2005, 552 p. Titre de la version française: La Voleuse de livres.

18 septembre 2010

Chinoises

Animatrice de radio, Xinran a réussi à attirer les confidences de centaines de femmes chinoises et nous livre ici les plus marquantes. Histoires de viols, de familles brisées par la Révolution culturelle, de folie, de mariages arrangés, de tabous sexuels...  Le portrait de la Chine et des Chinoises qui nous est tracé ici n'est pas des plus roses, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le recueil compte une quinzaine de chapitres, de qualité inégale.  La plupart sont très réussis, tour à tour émouvants et horrifiants. Citons par exemple celui où Xinran rencontre des femmes ayant perdu toute leur famille à la suite d'un terrible tremblement de terre et qui fondèrent un orphelinat; ou encore l'histoire de ces paysannes troglodytes vivant dans une des régions les plus pauvres du pays, dont le mode de vie s'apparente plus à la préhistoire qu'à l'ère moderne et qu'aucune loi ne protège contre l'exploitation la plus honteuse.  Par contre, certains sont d'un intérêt moyen, comme par exemple L'Étudiante, qui m'a semblé une suite de jérémiades contre les hommes et que l'auteure présente comme un portrait de la nouvelle génération.  Ou bien La Femme qui a attendu quarante-cinq ans, qui me semble un peu «arrangé avec le gars des vues» tant il contient de coïncidences troublantes (surtout dans un pays de plus d'un millard d'habitants...).

Malgré ces quelques défauts, c'est une lecture passionnante, dure, enrichissante.  Certains de ces récits vont rester imprégnés dans mon cerveau très longtemps, j'en suis certaine!


Chinoises de Xinran, traduit de l'anglais, 2003, 329 p. Titre original: The Good Women of China.

12 septembre 2010

Last Night in Twisted River

Il est de retour!  John Irving, le conteur d'histoires sans pareil, est de retour!  Alleluia!

Malgré ses nombreuses qualités (notamment une fin excellente), j'avais plus ou moins aimé son livre précédent, Until I Find You (messages ici, et , spoilers inclus!), dont j'avais trouvé l'ambiance un peu glauque et certains thèmes dérangeants.  Et encore moins celui d'avant, The Fourth Hand, vraiment trop bizarre à mon goût.

C'est avec un grand plaisir que j'ai renoué avec un de mes auteurs chouchous (A Prayer for Owen Meany est un des livres préférés à vie!), qui semble avoir retrouvé sa touche magique. Il reprend plusieurs de ses thèmes de prédilection, en particulier celui du Destin ou de la Fatalité.  Il y a bien quelques petites longueurs au milieu du roman où l'on alterne de façon un peu trop saccadée, si je puis dire, entre plusieurs époques, ce qui devient un peu lassant. Mais à part ce petit défaut, c'est vraiment du grand Irving. 

Comme toujours, les personnages sont très attachants tout en étant très originaux.  De plus, le personnage principal est un écrivain, ce qui permet à l'auteur de glisser plusieurs réflexions intéressantes sur la littérature et le métier d'écrivain.  Il en profite même pour régler quelques comptes avec les journalistes, qui lui posent toujours les mêmes questions, notamment pour savoir si des parties de ses oeuvres sont basées sur sa vie réelle, comme si cela rendait l'oeuvre plus intéressante ou plus «vraie». On retrouve aussi plusieurs petits clins d'oeil à ses romans précédents.


Une entrevue avec John Irving.

Last Night in Twisted River de John Irving, 2009, 554p.  Pas encore traduit.

03 septembre 2010

Prenez soin du chien

Mi-comédie grinçante, mi-polar, mi-étude psychologique sur la paranoïa et la manipulation, mi-traité sociologique sur la cohabitation urbaine, et j'en passe... (Comment ça, il y a trop de moitiés?)  Ce roman divertissant raconte trois mois dans la vie d'une dizaine d'hurluberlus qui par une étrange coïncidence habitent tous dans deux immeubles appartenant au même mystérieux propriétaire. J'ai trouvé la construction du récit intéressante: tout est narré grâce à des extraits des journaux intimes et de la correspondance des locataires. 

Premier défaut: aucun des personnages n'est vraiment sympathique.  Il me semble que cela aurait été plus prenant si au moins l'un des deux personnages principaux (qui habitent l'un en face de l'autre, chacun convaincu que l'autre l'espionne) était plaisant au départ.  On aurait pu suivre leur évolution psychologique à mesure que l'hystérie s'installe dans les lieux.  Or ils sont tous deux un peu suffisants et méprisants dès le début.

Deuxième défaut (pour les amis des bêtes):  le titre laisse supposer qu'il y aura un pitou, mais le seul présent meurt au premier chapitre! Snif!

Bref, un livre amusant, avec une intrigue bien pensée (même si j'avais deviné une partie de l'énigme), qui se lit facilement et en quelques heures. Il ne me laissera peut-être pas un souvenir impérissable, mais qui n'a pas déjà eu envie de trucider un voisin infernal? 

Les billets de Laurence du Biblioblog, de Keisha, de Fashion, de Sophie, de Papillon, de Jules... Ah, j'abandonne, les trois-quarts de la blogosphère semblent avoir lu ce bouquin!


Prenez soin du chien de J.M. Erre, 2006, 293 p.

01 septembre 2010

Islands in the Stream

(Îles à la dérive)

Ce mois-ci, le thème du Blogoclub était une lecture libre d'un prix Nobel de littérature. Le choix était donc vaste, et plusieurs participants en ont profité pour faire baisser leur PAL*.  C'est ce que j'ai fait moi aussi, pigeant dans ma (relativement) modeste  pile un roman qui s'y trouvait depuis des lustres (en fait, je ne sais même pas d'où il sort, ce bouquin!). 

C'était l'occasion idéale de découvrir ce monstre sacré de la littérature américaine qu'est Ernest Hemingway.  Ce que j'ignorais au départ, c'est que cette oeuvre fut publiée de façon posthume, après remaniement par sa femme et son éditeur.  Elle laisse donc une impression d'inachevé, non par son absence de conclusion mais plutôt par des fils laissés en l'air au cours du récit.

Le livre est divisé en trois parties de tons complètement différents.  La première, ma préférée, se passe sur l'île de Bimini au large de la Floride, où l'on rencontre Thomas Hudson et ses trois fils venus y passer l'été.  Hudson, un peintre renommé, semble avoir fait la paix avec un passé trouble dont on ne sait pas grand chose. Une discipline de travail assez stricte ainsi que l'amour de ses enfants lui permettent de garder son équilibre.  Des descriptions d'une beauté lumineuse, beaucoup d'humour, quelques récits d'excursions en bateau assez palpitants, vraiment si on était resté dans cette veine ce livre aurait été un grand coup de coeur.

Mais une cassure se produit et dans la deuxième partie le ton change complètement.  C'est la guerre, Hudson se trouve maintenant à Cuba où il effectue des missions pour le compte du gouvernement américain. Tout ce chapitre nous raconte une seule journée pendant laquelle, après avoir échoué dans sa tentative de rencontrer son supérieur à l'ambassade, il se rend dans un bar et entreprend de s'y saoûler copieusement.  Une ambiance de roman noir, une multitude de personnages dont on ne saura pas grand-chose, des dialogues amers remplis de sous-entendus plus ou moins compréhensibles, cette section m'a semblé presque pénible et j'aurais abandonné, n'eût été du titre prometteur de la partie suivante, At Sea.

Dans ce dernier acte, nous partons en mission à la recherche d'un groupe d'Allemands dont le sous-marin a coulé près des îles entourant Cuba.  Après un début un peu lent et malgré l'absence de description des personnages formant l'équipage d'Hudson, ce qui les rend difficiles à différencier, l'intrigue de style roman d'espionnage a réussi à renouveler mon intérêt, et j'ai trouvé la fin excellente.

Donc une première rencontre pas tout à fait convaincante, mais assez tout de même pour que je donne une deuxième chance à cet auteur. D'ailleurs si vous avez des titres à me suggérer, je suis preneuse!

*PAL=Pile à lire.

Islands in the Stream d'Ernest Hemingway, 1970, 435 p. Titre de la version française: Îles à la dérive.